jeudi 12 avril 2012

La Nouvelle-France, aventure coloniale

Ce qui me frappe en voyant se dégager les thèmes principaux de l'histoire de notre héroïne, ce sont les échos extrêmement contemporains qu'on y retrouve.

C'est un peu comme si l'histoire de Marie-Angélique, alors qu'elle est unique et très originale en soi, était finalement très représentative de toute l'histoire de son peuple. Et, au-delà de son peuple d'origine, elle en dit également beaucoup de toute la société française et de l'Histoire de ses rapports aux autres peuples et nations.

Laissons de côté toute l'histoire de l'Amérique après la Geurre d'Indépendance et l'histoire des colons d'origine britannique pour ne nous intéresser qu'aux colons français et aux nations autochtones...

On découvre des rapports très complexes et parfois ambigus.
N'étant pas moi-même historienne, je parle sous caution des diverses lectures que j'ai faites et notamment de l'article très intéressant paru en décembre 2011 dans le hors-série du magazine L'Histoire Les Collections consacré aux Indiens d'Amérique. L'article en question est titré "L'Aventure oubliée de la Nouvelle-france" et signé par Gilles Havard, chercheur au CNRS et membre de Mascipo (Mondes américains. Société, circulations, pouvoirs).
Note : les passages en italique sont des citations de son article.

Il y décrit le jeu complexe des alliances entre certains tribus américaines avec les Anglais ou les Français. Les deux puissances européennes utilisèrent les forces des indiens pour se battre entre elles, mais les diverses nations amérindiennes utilisèrent également l'armement et l'aide de leur allié respectif pour régler des comptes ancestraux avec les nations rivales.

Pour en revenir plus précisément à nos Renards, il semble que la guerre qui aboutit au massacre d'une bonne partie d'entre eux ait démarrée lorsqu'ils décidèrent d'apporter leur aide aux Mascoutens alors en conflit avec les Outaouais.
Ces derniers étant alliés des Français, ils reçurent leur aide et, malgré les réticences premières des soldats français à qui le Roi avait ordonné d'entretenir les meilleures relations possible avec les populations autochtones, l'impossibilité des négociations aboutit à un siège et un génocide abominable.

Les tentatives et offres de paix du Chef Pémoussa furent toutes rejetées par les chefs des tribus alliées des Français.
Cependant, il est vrai que les Français avaient eux-mêmes un fort intérêt à chasser les Renards de la région pour faciliter la traite des fourrures vers leurs autres colonies, au Sud du Mississipi.


Cependant, au-delà de ces considérations économiques et stratégiques, la politique du Royaume de France envers les amérindiens était apparemment assez singulière. "Maintenir une bonne union avec tous les sauvages, voilà la clé pour assurer le bonheur et la sûreté de cette colonie", auraient affirmé les administrateurs du Canada en 1708.

Les Français préféraient donc conclure des alliances économiques avec les indiens, achetant leurs peaux aux trappeurs, essayant de les christianiser mais adoptant également fréquemment leurs coutumes pour gagner leur confiance.

"Chaque année, au XVIIIème siècle, près de 10% du budget des colonies est consacrée aux cadeaux destinés aux indiens" lors de grands rassemblements à la fois commerciaux et rituels mêlant traditions françaises et indiennes.

Lors de la Grande Paix de Montréal, le chef Renard Miskouensa fit sensation en arborant à la fois les peintures de guerre rouges de sa tribu et une perruque poudrée dont il se servit comme d'un chapeau pour saluer ses homologues français.

De leur côtés, les militaires et nobles français fument le calumet, offrent des ceintures rituelles et participent aux danses cérémonielles.

Des centaines de métis sont nés à cette époque, les soldats français et les femmes indiennes entretenant des relations régulièrement.

Les relations sont ambiguës car les Français veulent assimiler les "sauvages" et les christianiser mais ils adoptent eux-même nombre d'élément de leur mode de vie bien plus adapté à leur environnement.

L'intendant Champigny en 1699 note que "il arrive plus ordinairement qu'un Français se fasse sauvage, qu'un sauvage se fasse français". Et on retrouve parmi les colons ce mélange de fascination et de répulsion pour les autochtones qu'engendrera Marie-Angélique tout au long de sa vie. On considère son sang sauvage comme "mauvais" et on l'envie un peu, du même coup.

Ce n'est pas un hasard si le XVIIIème siècle a vu naître à la fois la Révolution et les Lumières, de si nombreuses réflexions sur l'Humain, sur les idées de Nature et Culture. La confrontation à ces nations "sauvages" colonisées et les réflexions qu'elle a engendrées conduisirent à des réflexions sur l'identité française elle-même. La figure du "sauvage devient dans le discours des élites à figure antithétique d'un sujet français idéalisé".

Je ne sais pas pour vous, mais moi ça me rappelle certains discours actuels...


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